L'homme du pont
Un fantôme au bord du pont, sur ce trottoir condamné que personne n'emprunte. Un fantôme en veste orange réfléchissante qui salue les voitures qui défilent, qui salue les passants qui se succèdent toujours pressés et qui ne veulent ni l'entendre ni le voir. Seulement les mouettes et les pigeons lui confirment son existence. Seulement lorsqu'il leur distribue du pain. Les oiseaux tourbillonnent alors autour de lui dans ce coin exigu du pont et rompent cette multitude de trajectoires trop rectilignes d'indifférence. Un instant arrêté de poésie à ce carrefour où tout ne fait que courir. Puis les mouettes retournent sur le fleuve, dériver le long du courant puis s'envoler pour remonter un peu plus en amont et se laisser de nouveau porter par le courant. Les pigeons vont chercher ailleurs d'autres subsistances. Les voitures filent. Les passants passent. Il vous salue.